Publié en mai 2011
Le mot déontologie désigne l’ensemble des devoirs et des obligations imposés aux membres d’un ordre ou d’une association professionnelle. Comme les règles de droit, les règles déontologiques s’appliquent de manière identique à tous les membres du groupe, dans toutes les situations de la pratique. Une autorité est chargée de les faire respecter et d’imposer des sanctions en cas de dérogation.
Il n’est pas nécessaire, pour se conformer à la déontologie, de réfléchir aux valeurs qui la sous-tendent ni même de partager ces valeurs. L’éthique, au contraire, invite le professionnel à réfléchir sur les valeurs qui motivent son action et à choisir, sur cette base, la conduite la plus appropriée.
Cette première différence en entraîne plusieurs autres.
L’action fondée sur les valeurs est généralement conforme aux lois et à la déontologie, mais elle est décidée par l’individu plutôt qu’imposée par une autorité extérieure.
La réflexion éthique fait appel à l’autonomie, au jugement et au sens des responsabilités. Quand un ingénieur décide, sur la seule base de ses valeurs, de refuser une signature de complaisance, rien ne l’y oblige sauf lui-même. La même décision, cependant, peut être dictée par l’article 3.04.01 du Code de déontologie des ingénieurs. Il est fréquent que l’on obéisse aux règles parce qu’elles émanent d’une autorité, parce que l’on craint une sanction ou simplement par habitude.
La déontologie est assez précise quant à ce que le professionnel doit faire ou éviter dans les situations courantes de la pratique. Dès qu’une seule règle claire s’applique à une situation, la conduite à suivre est fixée d’avance.
Toutefois, lorsque deux règles ou plus s’appliquent à la même situation, il peut être plus difficile de savoir quelle conduite adopter. L’éthique ne définit pas d’avance la conduite appropriée, mais elle propose une méthode réflexive pour la trouver, notamment dans les conflits de valeurs ou quand une action permise par les règles paraît malgré tout discutable du point de vue de l’idéal de pratique.
La déontologie distingue les obligations du professionnel envers le public, le client et la profession. Elle reconnaît donc qu’il existe plusieurs points de vue sur les valeurs. La clarté exige pourtant que chacune de ces règles privilégie un seul point de vue, l’ensemble des règles demeurant guidé par l’idéal de pratique d’un seul groupe professionnel.
La réflexion éthique, de son côté, est ouverte aux points de vue de toute personne ou tout groupe dont les valeurs ou les intérêts sont touchés par une décision. Elle aide à résoudre les situations où les obligations du professionnel envers son client et envers le public sont difficilement conciliables, de même que les situations où les valeurs du groupe professionnel entrent en conflit avec d’autres valeurs ou intérêts dignes de considération.
Du point de vue déontologique, c’est la conformité de l’action à la règle qui est importante. Les conséquences de l’action ne font l’objet d’aucune réflexion ou décision particulière.
Du point de vue éthique, au contraire, le professionnel est responsable des conséquences de son action et le demeure même quand il choisit de se conformer à la règle. Il doit chercher à minimiser les effets négatifs de sa décision et être prêt à la justifier, en expliquant ses raisons d’agir, devant toutes les personnes concernées.
Reprenons l’exemple de la signature de complaisance. Un ingénieur peut la refuser en disant simplement qu’il est obligé d’obéir aux règles de son ordre professionnel. L’éthique lui demande davantage : assumer personnellement ce refus, être capable de le justifier sur le plan des valeurs, reconnaître l’impact négatif de son choix et proposer, dans la mesure du possible, une façon d’y remédier.
Ces différences, il est facile de le constater, font de l’éthique et de la déontologie des ressources complémentaires; chacune a des forces qui compensent les limites de l’autre.
LEGAULT, G. A., Professionnalisme et délibération éthique, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2003, 290 p.
MORENCY, M.-A., SIMARD, J., « Aux sources de la déontologie québécoise », Organisations et territoires, automne 2004, p. 63-70.
RACINE, L., LEGAULT, G. A., BÉGIN, L., Éthique et ingénierie, Montréal, McGraw Hill, 1991, 285 p.
SIROUX, D., « Déontologie », dans M. Canto-Sperber (dir.), Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, Paris, Quadrige, 2004, p. 474-477.
© Ordre des ingénieurs du Québec
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