Publié en mai 2011

Dernière modification en décembre 2014

TRAITEMENT DE L'INCERTITUDE

De nombreuses incertitudes sont associées à l’analyse des risques. Il est nécessaire de comprendre les incertitudes et leurs causes pour assurer une interprétation judicieuse des valeurs obtenues par le calcul de risque.

Analyse des incertitudes

L’ANALYSE DES INCERTITUDES CONSISTE À DÉTERMINER LA VARIATION OU L’IMPRÉCISION DES RÉSULTATS DU MODÈLE QUI DÉCOULE DE LA VARIATION COLLECTIVE DES PARAMÈTRES ET DES HYPOTHÈSES UTILISÉES POUR DÉFINIR LE MODÈLE.

L’analyse des incertitudes associées aux données, aux méthodes et aux modèles mathématiques utilisés pour identifier les dangers et analyser les risques impliqués joue un rôle important dans leur application.

L’analyse de sensibilité est un domaine étroitement lié à l’analyse des incertitudes. L’analyse de sensibilité modélise la réaction d’un modèle aux changements des paramètres individuels de celui-ci. L’analyse de l’incertitude consiste à traduire l’incertitude sur les paramètres déterminants du modèle en incertitude des résultats du modèle de risque.

Il convient de spécifier, dans la mesure du possible, l’exhaustivité et la précision de l’estimation du risque. Il est également recommandé d’identifier, dans la mesure du possible, les sources d’incertitude associées aux données et au modèle et d’indiquer les paramètres auxquels l’estimation des risques est sensible.

Le processus d’évaluation des risques doit prendre en compte l’existence d’incertitude. À titre d’exemple la science qui sous-tend l’évaluation des risques peut être complexe, ambiguë ou incomplète et les données nécessaires peuvent ne pas être disponibles.

Toutefois, il faut avant tout faire la distinction entre l’incertitude et l’ignorance.

Pour corriger l’ignorance, les mesures doivent faire appel à l’engagement de plusieurs des disciplines et des groupes d’intérêt associés à l’étude. Une autre mesure est de pratiquer un haut degré de transparence de sorte que le processus de réflexion soit exposé à d’autres points de vue, et ce, au tout début de l’étude.

L’incertitude, quant à elle, fait appel à la non-disponibilité des facteurs qui affectent la précision des conclusions. Ceci est une faiblesse qui est bien connue dans l’évaluation des risques – par exemple, l’identification des dangers peut être incomplète. L’incertitude elle-même est un état de la connaissance dans lequel les facteurs qui influencent les enjeux, la probabilité d’effets adverses ou les effets eux-mêmes sont mal identifiés et ne peuvent pas être décrits avec précision. L’incertitude peut se manifester de plusieurs façons influençant les approches à prendre pour la contrer tel que décrit dans les deux descriptions suivantes.

Incertitude de la connaissance

Ceci se produit lorsque la connaissance est basée sur des statistiques éparses et sujettes à des erreurs aléatoires dans les expériences qui ont été faites. Il existe des techniques bien établies pour représenter cette sorte d’incertitude, par exemple les limites de confiance. La conséquence sur l’évaluation des risques est estimée en faisant une étude de sensibilité. Celle-ci fournit l’information ayant rapport à l’importance des différentes sources d’incertitude qui peuvent alors être utilisées pour prioriser d’autres recherches ou actions.

Incertitude dans la modélisation

Ceci s’applique en particulier à la validité de la façon choisie pour représenter le risque en termes mathématiques, ou de façon analogue le processus qui génère le risque. Un exemple serait le développement d’une brèche dans la paroi d’un appareil sous pression. Le modèle définit la façon dont la brèche est affectée par des facteurs comme les propriétés des matériaux et l’historique des contraintes auxquelles l’appareil est exposé. Le modèle prédit le bris en termes de temps et de nature du bris. Ceci permettra de planifier les stratégies telles que les spécifications des matériaux, les essais non destructifs et les mesures d’atténuation.

Tous ces facteurs peuvent être modélisés de plusieurs façons avec des hypothèses qui sont sujettes à questionnement. Les revues scientifiques rigoureuses et la transparence dans la divulgation des hypothèses posées sont les principales protections. Dans certains cas, il n’est peut-être pas possible de soumettre les hypothèses à ce processus de transparence. Dans ce dernier cas, les jugements d’experts sont de grande importance.

Prudence face à l'incertitude

Les procédures d’évaluation et de gestion des risques qui sont appliquées doivent inclure plusieurs dispositions pour assurer que l’approche est en accord avec le principe de précaution. Le principe de précaution a été défini en 1992 par la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement:

« Lorsqu’il y a des risques de dommages à l’environnement sérieux et irréversibles, l’absence de certitude scientifique ne doit pas être utilisée comme raison pour reporter des mesures bien fondées pour prévenir la dégradation ».

Le principe de précaution décrit la philosophie qui doit être adoptée pour examiner les dangers qui sont sujets à un haut degré d’incertitude et rejette l’absence de certitude scientifique comme raison de ne pas mettre en place des mesures de prévention.

Bien que le principe de précaution ait été originalement formulé dans le contexte de la protection de l’environnement, en particulier avec les enjeux planétaires (réchauffement planétaire, diminution de la couche d’ozone), il est appliqué d’une façon plus large.

La politique devrait indiquer que le principe de précaution doit être invoqué dans les situations suivantes:

  • Selon l’évidence empirique ou des hypothèses de causes, il y a une bonne raison de croire que des préjudices sérieux peuvent survenir, bien que leur probabilité puisse être éloignée. Cette raison pourrait être justifiée en démontrant qu’une activité, un produit ou une situation est similaire à d’autres qui comportent des risques substantiels de situation adverses, ou en élaborant une bonne explication théorique (revue par un comité d’experts) de la façon dont les préjudices pourraient être causés.
  • Les informations scientifiques, assemblées à cette étape de l’évaluation des conséquences et des probabilités, révèlent qu’il est impossible d’évaluer les résultats avec une confiance suffisante pour passer à l’étape suivante du processus de gestion des risques.

Il y a plusieurs façons, autres que le principe de précaution évoqué précédemment, de s’assurer que l’approche utilisée est intrinsèquement prudente. Par exemple, voici certaines caractéristiques des procédures d’évaluation des risques:

  • Ces procédures ne tiennent pas pour acquis que « l’absence d’évidence de dangers » signifie « l’évidence d’absence de dangers », bien qu’elles reconnaissent que l’absence persistante d’évidence de dangers, compte tenu des efforts appropriés et approfondis déployés, peut être indicative.
  • Elles requièrent que les hypothèses pour combler les lacunes de connaissances soient vérifiées par des méthodes reconnues : par exemple l’analyse de sensibilité.
  • Elles introduisent des facteurs de sécurité dans le processus d’évaluation, aux endroits appropriés : par exemple, dans l’évaluation des substances toxiques, selon la qualité des données et la sévérité des effets, et selon la présence de données extrapolées.
  • Elles accordent plus d’importance aux conséquences d’un danger ayant des attributs qui peuvent provoquer une crise sociale, affecter les générations futures, ou causer des préjudices sévères : par exemple, une explosion dans un secteur habité, la rupture d’un barrage, des effets irréversibles, etc.
  • Elles utilisent des évaluations de risque comparatives pour les nouveaux dangers qui ont une certaine similarité avec des dangers existants, qui demandent des mesures de prévention, de préparation, d’intervention et de rétablissement rigoureuses pour réduire le risque à un niveau tolérable.

L’évaluation des risques est donc loin d’être un exercice simple.

➜ Consulter la section Méthodes d'identification des dangers et d'analyse des risques

Parfois l’évaluation des risques est basée sur un processus simple élaboré à partir d’observations et de jugement, alors que dans d’autres circonstances cette évaluation nécessite l’utilisation de techniques complexes telles qu’une évaluation quantifiée (probabiliste) des risques. En pratique, ceci ne peut être entrepris sans l’adoption de conventions et de protocoles, c'est à dire de méthodes d'identification des dangers et d'analyse des risques.



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